Les Jardins De La Faim (chapitres XXX et XXXI - FIN)

XXX

_ Ça y'est, t'as fini ?
Dit Maëlle, complètement à poil devant moi. Elle a laissé tomber sa voix de robot.
_ Ça ne te suffit pas de pousser tout le monde dans la folie, maintenant il faut que tu leur tires dessus ? Toi, un assassin ?!
Maëlle, tout ça n'est pas vraiment réel.
On dirait que je me justifie. Un gosse pris la main dans le sac.
_ Bien sûr que si. Et tu le sais très bien. On ne pourra pas réparer tout ça. Et cette fois, tu ne me feras pas porter le chapeau.
Je me raconte des histoires, Maëlle, c'est tout. Des histoires...
_ On arrive à la fin, Laurent. Que tu le veuilles ou non. C'est la fin. La fin de ton monde. Ça n'a pas été facile de te faire bouger. Une meute de chien, un enterrement dantesque et... ton nouveau croque-mitaine.
Julien, le truc qui ressemble à Julien, descend les quelques marches du perron de la cabane. Au ralenti. Julien-Jason. Julien-Boogeyman.
Je ne voulais pas te faire de mal, Maëlle ! Je le jure !
_ Ah non ?
Je ne voulais faire de mal à personne.
_ Paroles, paroles comme toujours. Je n'étais pas un « concept », Laurent ! Je vivais ! Et j'étais morte. Morte et enterrée. Tu vois ce que tu as fait de moi ?
Dis-lui de reculer, lui !
Elle fait non de la tête.
L'enfant vaudou n'en peut plus de sa magie. L'enfant vaudou va mal finir. Le Gitan me l'avait bien dit. Le Gitan avait passé son doigt sous sa gorge. « Tu me dis bonjour, je te dis bonsoir, monsieur ! ».
J'essaie de bouger, je ne peux pas. Mon doux cauchemar.
Et après je voulais pas te tuer je ne savais plus quoi faire je voulais juste arrêter tout ça. tu comprends ?
_ Pauvre petite merde égocentrique, sale pute d'enculé de ta race, tu crois que le monde va s'éteindre avec nous ? Avec toi, mon amour ? Tu y crois vraiment ?
Julien s'approche encore de moi, la carrure solide, les yeux vides, la chemise d'hôpital sale et déchirée, les pieds tordus, arrachés.
Et je me prends une énorme pêche dans la gueule.


Je barbote, je flottille sur le dos, la planche. Comme un bout de bois mort. J'ai mal à la tête. Le soleil brille à midi. Un oiseau passe, j'entends des aboiements et des grognements. Je tourne, sur le ventre. Et tout tourne avec la douleur qui enserre mon crâne.
Les chiens sautent et courent le long de la berge. Ils n'osent pas aller dans l'eau.
J'avais toujours su, quelque part, que je finirais traqué.
Les flics, les chiens : ma drôle de logique.
Alors c'est comme ça, c'est ici que j'irai. Soit. Je ne veux plus me battre.
Je sens quelque chose sur mes jambes, quelque chose qui les enveloppe. Quelque chose les attrape.
Je me débats mais cette chose m'englobe, m'empêche de nager. Ça me tient jusqu'à la taille.
Je suis foutu.
Puis ça m'enveloppe entièrement, le décor disparaît.
C'est un sac : je le vois avant le noir, et je sens sa jute rugueuse. Quelque chose le referme et je coule.
Je coule au fond de l'étang, enfermé dans un sac dans le noir.
Je ne suis pas seul dans le sac. Elle est avec moi.
_ Je suis avec toi.
Ses doigts s'enfoncent dans mes côtes, elle me parle et je hurle dans l'eau, mais j'entends tout clairement. Comme si nos bouches n'étaient pas remplies de la vase brune de l'étang.
Nous coulons.
_ C'est la fin, mon amour.
Je ne sais plus si c'est elle ou moi qui parle. Peut-être nos voix s'accordent exactement, à l'unisson, à cet instant où elle fouille en moi alors que nous nous noyons.
Je me noie et elle arrive encore à me faire mal.
Ses doigts, ses ongles creusent en moi et je me noie.
C'en est fini de mes peurs, c'en est fini de la culpabilité.
L'eau pénètre mes poumons, c'est atroce.

Merci.



 
XXXI (Justine-3/Épilogue)

Les films d'horreur ne nous montrent jamais vraiment comment on lui survit, à l'horreur. Ou plus exactement, comment les gens continuent de vivre après le générique. Si il s'agissait de vrais gens... Quand ils ont triomphé du mal, ou simplement suffisamment encaissé en restant à peu près entiers, comment peuvent-ils vivre alors qu'ils ont connu des choses terribles ? Vont-ils simplement aller chez le psy jusqu'à la fin de leurs jours, le vendredi en fin d'après-midi pendant les heures de travail, avançant gentiment leur week-end d'une heure ? Vont-ils simplement accompagner cette thérapie en bouffant des médicaments pour aller mieux ? Pourraient-ils seulement caresser l'idée qu'ils aillent mieux, un jour, qu'ils aillent BIEN ? Après tout ça ?
Je pourrais penser à ces malheureux qui ont vu leur famille entière violée, torturée, démembrée, massacrée, et qui restent à pleurer leurs morts et leur haine après la guerre, la révolution qui tourne au bain de sang absurde, ou toute autre horreur absolument terrifiante et sordidement réelle. Impossible de se mettre à leur place sans avoir vécu quelque chose de semblable, j'imagine...
Mais non, ce n'est pas à ça que je réfléchis.
Je me triture les méninges et les émotions à essayer d'intégrer qu'il y a des choses bien pires, peut-être. Comme se rendre compte que, finalement, dieu existe et que c'est effectivement un immense salopard sadique. Ou tellement indifférent, que prendre pleine conscience de cette gigantesque indifférence vous amènerait instantanément à griller votre esprit, sans espoir de guérison. Comme se rendre compte que tout espoir est perdu, à jamais et totalement.
Mais il ne s'agit pas de dieu.
Donc : et si les monstres existaient ? Les inhumains, les surhumains, les authentiques méchants ? Et si d'autres états étaient, d'autres états que vivant ou mort ?
Genre : si les fantômes existaient, devrait-on en prendre note et accepter ceci juste comme une autre donnée, une autre expérience à intégrer au gros tas de merditude de la vie ? L'horreur fantastique perdrait-elle du coup son fantastique, son irréalité, pour ne devenir plus qu'une autre pépite noire d'horreur factuelle pure ? Certes encore entourée de mystères, mais tout le monde sait déjà que les mystères existent. Ce ne sont que des rébus que la science et l'expérience cherchent à résoudre. Tôt ou tard, ils seront résolus. Ou on passera à autre chose et on les oubliera.
Peut-on oublier que l'impossible existe ? Que les fantômes errent sur la terre ? Que les morts reviennent... parfois ? Peut-on mettre ça de côté et continuer à vivre sans rien y comprendre ?
Pourrait-on seulement accepter, et rayer ces choses de la liste sans fin de l'impossible ? Tout bêtement rallonger la colonne des faits ?
Manu s'est pendu. C'était il y a un mois déjà. Il n'est jamais redevenu lui-même depuis ce fameux soir. Depuis le soir où il m'a frappée.
Je crois que Manu était trop fragile pour accepter le fait qu'il m'ait violentée. Surtout que dans sa famille, c'est déjà arrivé. Je crois qu'il a pensé « je deviens comme eux ». Je crois qu'il ne voulait pas. Je crois qu'il avait trop peur.
Mais ce n'est pas tout. Oh non. Il avait peur d'elle, aussi. Surtout.
Peur de ce qu'il s'est passé ce soir-là.
Peur de ce que ça implique.
Moi je suis encore là. Je n'ai toujours pas compris. Je ne sais pas s'il faut que je cherche à comprendre, mais mon cerveau est retors. Il ne s'est pas encore enclenché dans ce mode survie qui me permettrait d'occulter. De refouler.
Si j'en parlais à un psy, je serais bonne pour l'asile. Pourtant les faits sont là, il y a de multiples témoins qui pourraient raconter d'autres évènements très troublants.
Mais ce soir-là, il n'y avait personne pour raconter, pour témoigner. Il n'y a plus personne d'autre que moi. Il n'y avait pas de spectateur cette nuit-là.
Il y avait Manu, il y avait moi et il y avait elle. Et lui aussi, peut-être ?
Peut-être UN spectateur, finalement ?
Ou bien il n'y a toujours eu que lui. D'autres représentations de lui. D'autres excroissances.
Des tentacules de cauchemar. Une tentacule partie d'un tout, et non de grands serpents indépendants.
Voilà que je m'égare encore. Mon esprit, finalement pas si téméraire, chasse les souvenirs pour les remplacer par d'autres images glauques.
Mais tout est en photos dans mon crâne. Même les photos des sons.
Comment les sons jouaient avec moi. Un pas, un pas en bas. Je me touche le visage, un bruit d'eau.
Ces bruits de flotte... à en devenir... aquaphobique ? Potophobe ? Comment dit-on ?
Non je n'ai pas attrapé la phobie de l'eau. Je n'ai pas la phobie des bruits. J'ai seulement terriblement peur de réentendre ces sons, un jour. Pas n'importe quels sons. Ceux-là. Ça.
Je crois que la responsabilité de Manu dans cette affaire est assez mince. J'ai envie de le croire. Jamais il ne m'aurait fait de mal en d'autres... circonstances.
Il n'aura jamais obtenu le divorce. Pas besoin, il lui suffisait de mourir, triste et seul, dans la haine de soi et la peur.

Je suis vide. Je suis un trou ambulant, béant. Une spirale centrée sur le vide.
Mais c'est bien que les parents de Laurent m'aient répondu. Après la tuerie à l'église et ce qui a suivi, c'était pas gagné.
Les journaux en ont parlé. Mais même ceux à sensation n'ont pas tenu la distance. Trop de pudeur, trop d'incohérences, trop peu de témoignages maintenus (presque tous contradictoires) ; trop de non-sens.
Trop de trouille, partout.
D'ailleurs, les flics n'ont pas voulu me croire quand je leur ai dit que nous n'étions pas seuls, Manu et moi, ce soir là. Ils ont bien pigé par contre que mon jeune mari m'avait sacrément amochée...
Les parents Naibi ont donc accepté de me recevoir... et de m'héberger. Ils m'ont même fait comprendre que je pouvais rester aussi longtemps que je voulais. Ou presque. Ils s'en foutent un peu, au fond, ils se foutent de tout. Ils me disent que ça leur fait du bien que je sois là, qu'ils sont heureux de rencontrer une amie de Laurent, mais je sens bien qu'ils sont loin, loin du bien, loin d'être heureux. Loin d'eux-mêmes.
Je me reconnais en eux. On porte le même vide. Nous continuons à secouer mollement nos os. Nous continuons à errer dans le flou, un flou nouveau. Un nouveau monde de vide. Nous errons dans nos jardins secrets, sans même nous rendre compte que nous crevons de faim. De peur que ce monde nous empoisonne davantage, nous aurons faim, à jamais. Mais la faim ne nous tuera pas : nous sommes en enfer.
Je pense comme un livre. Une chose étrange qui s'est formée depuis ces évènements de l'impossible : mes pensées s'organisent et je pense en phrases complètes, avec un vocabulaire choisi. Comme si je tournais en rond, enfermée à l'intérieur de mon esprit et que je pansais l'angoisse en notant tout sur les pages d'un journal intime mental.
Voilà à quoi en est réduite mon intimité : des cercles de paragraphes concentriques et auto-référencés comme cache-misère. Des questions sans réponse et des beaux mots pour emballer ma chiasse.
...cette dernière phrase, du Laurent tout craché.

Laurent, tu laisses une belle merde derrière toi. Une traînée de cadavres avec, entre autres, un shoot'em up dans une église, une attaque de chiens inexpliquée et ta disparition mystérieuse que personne n'a vraiment l'air de vouloir éclaircir.
Par contre, clairement, pour tes parents tu es mort. Ça ne leur fait pas plaisir de penser ça, mais pour eux tu n'es plus. Moi je me demandais (et je me le demande parfois encore) où tu peux bien être passé, mais quelque chose, une chose encore horrible et démente, me pousse à les croire.
Tu t'es enfui de l'église et plus personne ne t'a jamais revu. Point. L'histoire s'arrête là.
Tu nous aurais craché à la gueule « et démerdez-vous, bordel ! » que ça n'aurait pas changé grand chose.
Personne ne pourra jamais expliquer pourquoi certains t'ont vu armé d'un énorme revolver, pourquoi d'autres ont soutenu, pendant un temps, que c'était ton seul et stupide index nu qui avait tué des gens (précisant même que ça n'avait pas marché à chaque fois), ou pourquoi on n'a retrouvé aucune balle. Certains encore soutiennent t'avoir vu simplement armé d'une guitare, auprès du prêtre, à chanter pour ton ami mort. Ce ne serait pas le moins improbable. Et personne ne sait d'où sont sortis ces chiens, ni ce qu'ils sont devenus (on a essayé de te représenter en dresseur fou de chiens-tueurs mais, comme le reste, ça s'est effondré comme un soufflé).
Personne ne demande pourquoi la police n'a pas l'air très pressée de te retrouver.
C'est peut-être qu'au fond, on sait tous. Cette drôle forme de savoir qui peut se passer de la compréhension : il ne faut pas creuser, on risque de ne pas du tout aimer ce qu'on va trouver.

Voilà où j'en suis : je joue les présomptueuses sensiblement désincarnées. Alors que je sais que dalle. J'ai juste la trouille à rebours, à l'envers. Si j'étais allée chez toi te retrouver, aurais-je fini morte, moi aussi ? Aurais-je pu empêcher quoique ce soit ou me serais-je pris une balle mystère dans la citrouille ?
Et ce Frédéric Leguenne, chez moi en Bretagne, qui a perdu son frère. Un certain Julien qui était hospitalisé depuis que Laurent lui avait fracassé la tête. Pas mort : disparu, lui aussi. Introuvable, envolé de l'hôpital. Comme par magie.
Je renonce à y réfléchir, je m'en fous. Il y a forcément un lien avec Laurent puisqu'il semble avoir été le catalyseur de toute cette merde – vocabulaire choisi et adapté.
Ce Fred a essayé de me rencontrer, et il a réussi ; une fois. Il a l'air d'un fou qui chasse les sorcières. La sorcière étant Laurent. Pour lui, il est coupable de tout. Moi ça m'étonnerait qu'il ait voulu tout cela. Peut-être je me trompe...
Je suis presque certaine qu'il s'est retrouvé lancé dans une machine qu'il n'a pas su arrêter. Un truc dans le genre.
Il a disparu et il nous laisse donc ce monde nouveau avec toutes ces questions ineptes. Et démerdez-vous !
Ses parents m'ont refilé une pile de cassettes, de CD et de vinyles, les groupes dans lesquels il a joué. C'est aussi varié que chaotique et ça ne raconte pas grand-chose d'autre qu'un certain mal-être confus, un humour sarcastique et, j'aime le croire, un grand amour de la musique et de ses mondes parallèles.
Du Rock'n'roll, du Punk et du Blues.
Juste de la musique. De la musique, un point c'est tout. Je n'apprendrai rien à écouter ces enregistrements bon marché.
Alors pourquoi je les emmènerais avec moi ?

Les parents de Laurent me font dormir dans la chambre d'Arnaud. Ils ont vidé celle de Laurent et la porte est fermée à clefs. Je n'aurais eu aucune envie d'y dormir, de toutes façons, mon masochisme semble avoir des limites. Sinistre... Leurs deux fils sont morts, maintenant. Tous leurs enfants sont morts. Atroce.
Dehors, un chat miaule en boucle. C'est agaçant.
Je crois que je ne vais pas rester encore très longtemps. Mon séjour ici ne m'aidera guère. Je n'aurai pas plus de réponses. Au moins, je sais ça. Et ces gens sont des gens bien. Ils sont passés de l'autre côté du jugement. Ils sont loin mais ils sont encore là. Ils ont été si gentils avec moi, mais je crains le transfert. Il faut que je parte. La Bretagne me manque, même si je refuse de retourner dans notre maison. Jamais je n'y refoutrai les pieds. Heureusement, ma famille m'aide pour le déménagement. Ils font les cartons, en triant comme ils peuvent, moi je n'aurai qu'à les déballer dans mon nouveau chez moi. Et je referai un tri impitoyable. Je garderai peu de choses.
Non mais tuez-moi ce chat !
La nuit est plus fraîche par ici et l'automne arrive, insidieux. Mais j'aime bien l'odeur d'humus qui enivre dès qu'on met le nez dehors.
J'ai repéré un étang très romantique, pas très loin d'ici. J'y retournerais bien une dernière fois avant de partir.
Par contre, je ne ressens pas le besoin d'aller au cimetière vérifier qu'il y a bien une tombe au nom de la belle Maëlle Trautman. Je crois les Naibi sur parole.
Cette fille morte s'en est pris à moi, à nous. Sans doute à Sonia, aussi. Comment je le sais ? Je le sens bien au fond de mes tripes.
Mais la chose qui se cachait chez nous, ce soir terrible dans notre grande maison, ne doit pas avoir beaucoup en commun avec celle qui gît sous sa grosse plaque de marbre. D'après le peu que j'en ai entendu, celle-ci gagnait à être connue.
Moi je ne préfère pas. Ça me terrifie et ça ne m'apporterait rien. Je ne veux plus rien entendre à son sujet.
Peut-être ai-je tort, peut-être que connaître comment elle était de son vivant me permettrait de l'humaniser et de refouler l'image du monstre. Avec le temps, ça devrait être possible, non ?
Les parents de Laurent m'ont fait comprendre pudiquement qu'il n'était sans doute pas pour rien dans le suicide de Maëlle. « La petite allait mal, très mal et lui... n'allait guère mieux. Il n'a pas su gérer tout ça. Il était très dur avec elle. », m'a dit sa mère et c'est à peu près tout.
Moi je pense qu'on ne peut pas empêcher qui que ce soit de se donner la mort. Si t'as vraiment envie de te foutre en l'air, les autres autour ne pourront rien faire pour t'en empêcher.
Coller ça sur le dos de Laurent était excessif, dangereux, même. Comme quoi ces gens bien ne sont peut-être pas ce qu'ils paraissent. Pas très étonnant qu'il ait dérapé dans sa tête. On est souvent cruel avec ceux qu'on aime, racontent les cons. Mais c'est pas lui qui a appuyé sur la détente, non ? Enfin, pas cette fois...
Pour Sonia, on a également conclu au suicide. C'est officiel.
Tous ces suicidés... cette maladie contagieuse comme pire des salopes...
Je frissonne en me glissant sous la couette.
Maëlle... Je parlais de gâchette mais je ne sais pas comment elle a procédé, en vrai. Et je ne tiens pas à le savoir. Façon de parler... avec moi-même.
Maintenant j'aimerais dormir. Et si je rêve, j'aimerais réussir à me dire... Juste des rêves. Des rêves, un point c'est tout. Je n'apprendrai rien à écouter ces rêves idiots.
Le chat miaule et miaule encore. Je vais finir par fermer la fenêtre. Mais il y a des bruits bien pires.


Je le tiens entre mes mains. C'est un livre. C'est lui et c'est un livre aussi.
Je sais qu'il veut m'apporter la connaissance.
Je ressens la connaissance, je la tiens, je l'ai !
Il me murmure que l'on vive ou que l'on meure, tout continue. C'est bien. Et si l'on meurt, on ne meurt jamais vraiment. C'est bien aussi.
C'est la fin du monde, encore, depuis toujours, à jamais. Pas de problème. Il y a tant de mondes.
Les pages me coulent entre les doigts, les pages se changent en eau. Le livre d'eau m'explique encore tant de choses, que je sens. Que je comprends. Des choses qui n'ont pas de mots. Des bonnes choses, des choses vraies, de l'espoir.
C'est la fin du monde et je me sens tellement bien.
C'est la fin du monde et je suis si heureuse.
Je ris.
L'eau coule sur moi. Elle est chaude. Elle me fait du bien, elle fait du bien à ma peau, elle fait du bien à mon sexe.
Je nage dans la mer en riant.
Je ris aussi car c'est un cadeau. Je le sens, je comprends.
Il me fait un cadeau.
Ceci est son rêve.
Je n'ai plus à m'inquiéter.
Il y a plein de gens autour de moi. Ils nagent, ils se laissent porter par les vagues, ils s'appellent en riant, nous sommes tous là. Nous sommes une mer de mondes.
Je sais que je rêve. Il faut que je me souvienne, il faut que je retienne.
Quels sont les mots ? Les mots ont filé en eau, nous nageons dans la connaissance mais il faudra que je le raconte !
A mon réveil, il faut que je le raconte.


FIN.




Bermont, le 15/10/13